vendredi 23 octobre 2009

Twistage de coeur


J'ai une vieille histoire pour vous. Vingt ans se sont déjà écoulés depuis cet automne-là!

Annette est une belle fille que je rencontre alors que je suis des cours aux adultes. J'ai vingt-et-un an à ce moment et elle, un tout petit peu moins. Grande brune, joviale et pétillante, nous devenons amis facilement. Nous en venons à nous parler d'à peu près tout, y compris de l'amour, bien que ce soit clair que nous resterions amis.

Ce jour d'automne, nous nous promenons dans le bois coloré, main dans la main. Ce n'est pas exactement à ce moment-là que s'allume son étincelle en moi mais cette randonnée l'a surement nourrie. Je garde toutefois cette pensée pour moi et continue à être le fidèle ami inoffensif. Je ne sais pas trop si j'essaie de me convaincre qu'elle est mon amie - ce qu'elle est depuis le début, finalement - ou bien si je ne fais qu'ignorer l'alarme qui sonne, qui me somme de lui proposer un autre niveau de relation.

La journée avance et je ne peux me résigner à lui annoncer mes couleurs. Et elle se met à me parler de ce garçon qu'elle a rencontré et pour qui elle m'avoue qu'elle l'aime. Tu parles d'un tordage de cœur! L'ami en moi la conseille comme un beau nono et, pourtant, quelque part en moi, je me sens bien de l'aider. Au plus profond de ma génétique, je me sens le devoir de la rendre heureuse.

L'hiver passe et le printemps arrive. Annette est en couple avec son Miguel et je suis le conseiller matrimonial de madame. Chaque inquiétude qu'elle a, je la rassure. Chaque doute qu'elle émet, je suis là. Chaque baisse de courage qu'elle subit, je lui refais le plein. Finalement... Je fais en sorte qu'elle ne le quitte pas et qu'elle arrange les choses. Quel sentiment contradictoire!

Vingt années passent, l'eau coule tout ce temps sous les ponts... Nous avons chacun notre vie à des lieues l'un de l'autre et n'avons jamais eu de relation amoureuse. Moi si... Je lui ai donné mon amour par des gestes, du vrai, du concret. Sans lui donner les mots pour l'étiqueter. Mais c'était de l'amour. Je me rends compte que j'ai su l'aimer sans qu'elle ne l'appelle tout à fait comme ça. Aujourd'hui, elle est très loin. Je suis persuadé que lorsqu'elle visite ses vieux souvenirs, elle doit bien réaliser qu'il y avait quelque chose de profond.

Je ne regrette rien! Tout au long de ma vie, j'ai eu la chance de donner et d'échanger tout l'amour possible. J'ai des enfants que j'adore. J'ai encore la chance de me payer le plaisir d'aimer, avec cette expérience qui m'enrichit.

Photo: Waska, autonomie et services techniques communautaires, 2009